Quelles limites humanitaires aux méthodes et moyens de guerre ?

Quelles limites humanitaires aux méthodes et moyens de guerre ? Tel était le thème du dernier débat 5 à 7 du Comité Internationale de la Croix-Rouge (CICR) qui s’est tenu mercredi 29 juin 2016.

À l’heure où la population, les objets et les personnes protégés sont de plus en plus exposés à la guerre, se pose la question de l’efficacité du droit international humanitaire (DIH) pour limiter les effets des hostilités et protéger les civils. Est-il toujours pertinent ? Ne doit-il pas évoluer ?


Pour répondre à ces questions, plusieurs intervenants d’horizon divers ont été invités au dernier débat 5 à 7 du CICR animé par le journaliste Christian Troubé :

  • Sylvie Brigot-Vilain, directrice générale de Amnesty International France ;
  • Yann Hwang, sous-directeur du contrôle des armements et de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) à la direction des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement, au Ministère des Affaires étrangères et du Développement International (MAEDI) ;
  • Kathleen Lawand, chef de l’unité Armes du CICR ;
  • Marion Libertucci, adjointe à la direction des plaidoyer, Handicap International ;
  • Peggy McGregor, commissaire principale dans la section « juridique opérationnel » (JUROPS) de l’État Major des Armées (EMA) au Ministère de la Défense (MINDEF).

Tous partagent le même constat : jamais le DIH n’ a été d’autant d’actualité. Même imparfait, il reste le cadre pertinent pour protéger les civils, ce pour quoi il a d’ailleurs été créé comme le souligne Sylvie Brigot-Vilain. Il l’est d’autant plus qu’il a su s’adapter au cours de l’histoire comme l’indique Peggy McGregor.

Cette évolution s’est notamment faite par le biais de Conventions prohibant certaines armes particulières. C’est l’occasion pour les représentantes de la société civile (Marion Libertucci, Sylvie Brigot-Vilain) de rappeler le rôle pionnier et moteur de leurs organisations dans l’élaboration des Traités d’interdiction des mines antipersonnel et des armes à sous munitions. Et de souligner un élément important dans le respect des normes : parfois, la seule stigmatisation de l’arme suffit, sans que cela soit forcément validé par la ratification de la Convention. C’est le cas des États-Unis avec la Convention d’Ottawa ; Brigot-Vilain parle à ce propos d’ « effet d’entraînement ».

Si la société civile a cette capacité de mobilisation et de dénonciation pour faire respecter le DIH, les autres acteurs ne sont pas en reste. Le CICR peut engager un dialogue bilatéral avec l’auteur des violations. Les États ont également leur rôle à jouer sur le plan diplomatique, notamment dans le cadre des coalitions internationales. Encore faut-il que les conditions politiques soient favorables. Selon Yann Hwang, la détérioration des relations entre les États-Unis et la Russie n’est pas de nature à favoriser l’application du DIH.

Malgré (ou à cause de) ce contexte de guerre au sein de la population reconnu par tous les intervenants, les États, ou du moins certains d’entre eux, s’efforcent d’agir en conformité avec le droit en l’intégrant directement dans le processus décisionnel (par la présence de conseiller juridique) ou en recourant à des technologies de précision comme les munitions guidées, ce que rappelle Peggy McGregor.

Contrairement à un certain discours ambiant, Kathleen Lawand estime, en guise de conclusion, qu’il n’y a pas d’ « érosion du DIH » car jamais celui-ci n’a été autant évoqué et débattu sur la place publique. S’il fait l’objet de violations, la représentante du CICR rappelle qu’il est aussi respecté.

Preuve de sa pertinence.